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Cameroun-Réseau national des télécoms d’urgence : Dans les faisceaux brouillés d’une grosse arnaque

Octroyé à l’entreprise chinoise ZTE depuis 2013, ce projet de vidéo surveillance pour communication d’urgence prévu pour couvrir toutes les 10 régions du Cameroun, n’est toujours pas livré plus de 10 ans après. Alors que le prestataire avait déjà empoché pas moins de 77 milliards de nos francs.

Braquage à haut débit ! Dire qu’’on est là en plein dans l’un des plus gros scandales financiers dans notre pays ne serait en rien une hyperbole. Tant ce qui s’y passe sort de l’ordinaire et donnerait du tournis à n’importe quel camerounais soucieux du développement, mieux de l’émergence de son pays. Un chantier abandonné avec un investissement de l’Etat de plus de 70 milliards et rien n’y est fait ? Incroyable ! De quoi parle-t-on exactement ? Pour cerner les subtils contours de ce que l’on est en droit de qualifier d’arnaque du siècle, il importe de faire un petit rappel mémoire. Le Réseau national des télécoms d’urgence (Rntu) est une retombée de la visite du chef de l’État camerounais, Paul Biya, en Chine en 2011. Le projet est articulé autour de cinq composantes. La première est le réseau de radiocommunication à ressources partagées, qui permet aux équipes du gouvernement de gérer les urgences de manière confidentielle et sécurisée, sans avoir besoin de passer par un réseau public. La deuxième composante est le système de communications d’urgence, qui vise à assurer la prise en charge des appels de détresse provenant de n’importe quel abonné détenteur d’un terminal mobile avec ou sans puce. La 3e composante, quant à elle, est le système de vidéosurveillance, qui permet d’assurer la protection des biens et des personnes en véhiculant, enregistrant et en exploitant les images prises par un ensemble de caméras. La 4e composante est un système de visioconférence. La dernière composante est le système e-police, qui est une plateforme technologique centralisée de gestion des opérations de sécurité dans certaines villes du pays.

Flou autour l’exécution matérielle du projet

L’exécution de ce projet était prévue pour une durée initiale de 24 mois, ce, à compter du mois de janvier 2017, juste après la signature du contrat de 109,1 milliards de Fcfa entre l’État du Cameroun et l’équipementier des télécoms chinois ZTE, le Réseau national des télécommunications d’urgence (Rntu) n’est pas toujours livré en 2024. De sources dignes de foi, ce projet à travers lequel le Cameroun entend se doter d’un réseau de communications sécurisé multifonctionnel, se heurte à plusieurs écueils depuis 2013, année à laquelle remontent les négociations entre les parties. À cette période-là, apprend-on de sources autorisées, les autorités camerounaises avaient déjà émis des réserves sur le projet de ZTE d’utiliser la technologie 2G, jugée déjà obsolète à cette époque, dans le cadre de la réalisation de ce projet. Dans un procès-verbal officiel, la partie camerounaise exige la « 3G en priorité », et la « 4G à titre expérimental ». Cette exigence des autorités camerounaises a-t-elle été finalement prise en compte dans la conduite du projet plus de dix ans après ? Rien n’est moins sûr. En effet, apprend-on de sources proches du dossier, dans le cadre de l’exécution de ce projet, la société chinoise ZTE ne se hâte pas toujours de se réajuster, lorsque le Cameroun émet des réserves sur certains aspects liés à l’exécution matérielle du projet. Ceci, au prétexte que les nouvelles exigences pourraient induire le dépassement de l’enveloppe budgétaire initiale, apprend-on de documents officiels. Tout compte fait, dans le cadre de l’exécution de son contrat, le Chinois ZTE a, selon nos sources, déjà reçu pas moins de 900 réserves sur la qualité de ses travaux par rapport aux attentes du Cameroun. Dans un rapport « de suivi des levées de réserves » daté de décembre 2021 et élaboré par le consortium Resytal-Matrix Télecoms, qui assure la mission de contrôle des travaux, plusieurs centaines des réserves émises n’avaient toujours pas été prises en compte par ZTE sur les sites de Yaoundé, Douala, Bertoua, Ngaoundéré, Maroua, Garoua, Ebolowa, Mvomeka, Bafoussam, Bamenda et Kribi. Ce qui peut expliquer la non livraison du chantier attendu depuis l’année 2019, selon les délais contractuels.

Budget supplémentaire

On se souvient d’ailleurs que ce projet de communication d’urgence (Rntu) issue d’un contrat de plus de 77 milliards Fcfa entre le Minpostel et Zte, avait d’ailleurs fait l’objet de plusieurs dénonciations dans la presse au Cameroun, par les collaborateurs indignés du ministère des Postes et télécommunication (Minpostel) en 2019. Plusieurs organes de presse écrite avaient décrié à travers des publications, les manigances, les manipulations autour de ce projet de communication d’urgence entre l’entreprise chinoise Zte et le Minpostel. Après que les employés du Minpostel aient saisi les médias à plusieurs reprises pour dénoncer les malversations financières et l’échec total du projet, l’entreprise Zte aurait mis les moyens en jeu pour convaincre le Minpostel de signer la réception finale du projet et lui permettre de rapidement recevoir le paiement du dernier décompte. On peut donc comprendre que ce projet qui n’a jamais été exécuté dans sa totalité a quand même été payé à pratiquement 100% au prestataire. « Les employés du Minpostel ont été contraints à de multiples convocations de réunions avec instructions fermes de clôturer ce projet et faire valider le procès-verbal final. Malgré les indignations des parties prenantes et des collaborateurs, sur la nature chaotique du projet, les risques liés à ce projet, les instructions sont restées fermes. Les experts techniques du Minpostel avaient recommandé que le prestataire fasse le travail pour lequel il a déjà été payé, mais il n’en est rien », nous confie-ton. A ce jour, le projet est à l’abandon, le prestataire n’en parle plus. Les travaux sont à l’arrêt. Pourtant, au courant de l’année 2023, au regard des manquements trop visibles de ce projet, le prestataire avait engagé de nouvelles transactions au Minpostel pour obtenir un nouveau budget de 4 milliards Fcfa en vue d’une maintenance de ce projet déjà obsolète avant même sa réalisation. « Quel toupet ! », fulmine une source proche du dossier. Qui soutient mordicus que « c’était un coup de maître. L’ambition d’obtenir un budget supplémentaire de 4 milliards Fcfa. Surtout qu’il a visiblement le soutien des décideurs, ce prestataire qui n’a jamais été inquiété pour les 77 milliards Fcfa non livrés depuis plus de 10 ans, se permet de faire comme il veut. Il ne trouve pas d’inconvénients de demander un budget supplémentaire, la suite à ce jour est sans issue ».

Complicité des autorités

Mais alors, qui devra répondre de cette situation un jour ? « Les collaborateurs du Minpostel restent inquiets quant à l’avenir de ce projet. Ils ne cessent de décrier ce projet et ses malversations qui pourront un jour nuire à la tranquillité des uns et des autres pendant que ce prestataire sera retourné en Chine et ne pourra pas répondre de ses actes », a appris Le Messager. Il convient donc de rappeler que ce projet de vidéo surveillance pour communication d’urgence, qui avait été octroyé à l’entreprise chinoise Zte depuis 2013, et qui devait couvrir toutes les 10 régions du Cameroun était basé sur la technologie Gota (2G) et des plateformes Cdma, déjà en fin de vie, et qui n’existe plus aujourd’hui. Inutile de rappeler qu’en 2023, la 3G était déjà connue et qu’il n’y avait pas d’intérêt d’investir autant de milliards pour une solution (2 G) en voie de disparition. Les experts du Minpostel qui avaient été mis à l’écart des décisions techniques et objectives sont finalement contraints d’assister à des séances de réunions multiples pour organiser une réception finale afin de clôturer ce projet et dont l’opinion n’était pas prise en compte, avaient jugé ce projet comme étant une grosse arnaque avec la complicité des autorités qui n’avaient à cœur que la préservation de leurs intérêts personnels. Pour le commun des camerounais, il est incompréhensible qu’un seul prestataire puisse se donner autant de liberté avec 77 milliards Fcfa. « Un jour les masques devront tombés et la vérité verra le jour pour la tranquillité des collaborateurs qui sont inquiets d’être interpellés un jour pour des causes qu’ils ignorent et dont ils n’ont pas eu le choix que d’assister aux réunions de validations avec des instructions fermes », espèrent les uns et les autres. Qui paiera la note ? Question à 77 sous.

 

B-P.D.

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