Le Cameroun est actuellement sur une corde raide en matière d’approvisionnement en médicaments de lutte contre le paludisme, le SIDA et la tuberculose. Un rapport accablant du Fonds Mondial portant principalement sur l’Artesunate 60 mg injectable soupçonne des irrégularités orchestrées par le PNLP et certains ONG incriminées.
Le rapport qui accable l’Etat du Cameroun pointe le Programme National de Lutte contre le Paludisme (PNLP) et les ONG incriminées d’avoir injecté ces médicaments détournés « sur le marché noir ». Il est clairement mentionné dans le rapport que : « Des correspondances sont arrivées du GTC-PNLP pour ordonner les livraisons par la CENAME des intrants antipaludiques à certaines structures non connues dans le circuit officiel de distribution tel que recommandé dans le SYNAME (Système National d’Approvisionnement en Médicaments Essentiels) ».
La Croix rouge Camerounaise sur le banc des accusés
Les auditeurs du Fonds Mondial indexent trois bénéficiaires indélicats. Il s’agit de la Croix Rouge camerounaise (CRC), l’ONG Christon et un « individu » du nom de Mekongo Mbarga Gwladys. En 2022, des correspondances du PNLP ont autorisé la livraison de 120 000 ampoules d’Artesunate 60 mg injectable au dispensaire de la CRC à Yaoundé, selon l’équipe du Fonds Mondial. Entre le 1ᵉʳ janvier et le 31 mars 2023, cette formation sanitaire primaire a reçu un deuxième volume de 150 000 ampoules du même médicament. L’ONG Christson a reçu jusqu’à 100 400 ampoules d’Artesunate en 2022 et 70 200 ampoules au premier trimestre 2023. Plus grave, un stock important d’Artesunate 60 mg injectable (3 628 ampoules) a été livré en 2022 à un individu, Mekongo Mbarga Gwladys, et non à une structure sanitaire. Pour le Fonds mondial, ces volumes de médicament sont curieux pour de simples dispensaires. Il est à noter que pour l’exercice 2022, le dispensaire de la CRC a reçu à lui seul le quadruple du stock d’Artesunate que le PNLP a mis à la disposition de toutes les formations sanitaires de la région de l’Ouest (30 800 ampoules).
Certaines hautes personnalités de la République dans le viseur du TCS
Selon des sources internes au Minsanté, plusieurs cadres du PNLP et de la Croix Rouge camerounaise sont déjà en détention provisoire à la prison de Kondengui à cause de leur implication dans ce réseau. Il faut relever que depuis avril dernier, l’affaire est en cours au Tribunal criminel spécial (TCS). Interpellés début mai, les premiers suspects sont poursuivis pour « détournement de biens publics et blanchiment ». Des suspicions de complicité pèsent sur certains hauts responsables du pays, ciblés par le TCS. « Cette opération ne peut pas avoir été montée seulement par ces petits maillons de la chaîne. Des suspicions de complicité pèsent sur certains hauts responsables du pays. Certains de ces gros bonnets font l’objet d’une enquête préliminaire au Tribunal criminel spécial », commente une autorité ayant suivi l’enquête policière à la PJ. Contacté, le Dr Joël Marcelin Ateba, secrétaire permanent du PNLP, s’est montré peu disert sur le sujet : « C’est une affaire délicate », déclare-t-il sans en dire plus.
L’Etat du Cameroun sur la sellette
Selon une source, le Fonds Mondial exige que le Cameroun rembourse la somme de 1 395 648,69 USD (plus de 852 millions de FCFA) suite à ce scandale. Pour Manaouda Malachie, ministre de la Santé publique (Minsanté), il ne s’agit nullement de dépenses à « rembourser » mais plutôt à « justifier » uniquement. Cette sortie du ministre ne convainc pas, car le montant revendiqué par le Fonds Mondial correspond à la valeur des stocks de médicaments subventionnés qui ont été frauduleusement sortis des magasins de la CENAME avant d’être injectés dans des circuits douteux.
Lurgentiste / Kamer Infos Plus