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Maroua-Mobilisation de cent mille jeunes  : l’Ombre de l’Instrumentalisation Infantile Plane sur la Démocratie Camerounaise

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Une onde de choc et d’indignation secoue le Cameroun suite aux scènes profondément troublantes qui ont émergé de Maroua. Alors qu’une tentative de mobilisation de soutien à un leader politique peinait visiblement à galvaniser la jeunesse locale, des images poignantes d’instrumentalisation d’enfants ont fait surface, révélant une pratique politique non seulement moralement répugnante, mais également potentiellement illégale au regard des conventions internationales et des lois nationales sur la protection de l’enfance. Des enfants, dont certains à peine en âge scolaire, ont été utilisés comme des figures de proue pour gonfler artificiellement les rangs des manifestants, soulevant des interrogations fondamentales sur la santé de la démocratie camerounaise et le respect le plus élémentaire des droits de l’enfant.

Cette instrumentalisation révoltante met en lumière une contradiction saisissante au cœur du paysage politique camerounais. Dans un pays où la jeunesse est fréquemment marginalisée des processus décisionnels – privée du droit de vote avant l’âge de 20 ans et sous-représentée dans les instances de gouvernance – l’exploitation de mineurs à des fins politiques apparaît comme une nouvelle et alarmante manifestation d’un certain mépris envers cette frange vitale de la population. L’absence notable de figures politiques locales influentes lors de cette mobilisation, telles que le Lamido de Maroua, les trois maires de la ville, des députés dont l’honorable Salmana Ahmadou Ali, le ministre de la Santé Dr Manaouda Malachie et le Président du Conseil Économique et Social Ayang Luc, soulève des questions légitimes quant à l’adhésion de ces personnalités à de telles méthodes de mobilisation. Ce silence assourdissant pourrait être interprété comme une désapprobation tacite ou, au minimum, un malaise face à ces pratiques contestables.

 

Le témoignage poignant d’Ezekiel Koné, un jeune natif de la région de l’Extrême-Nord, apporte un éclairage cru sur les coulisses de cette mobilisation controversée. Selon ses dires, la tentative d’atteindre une mobilisation de «100 000 jeunes» s’est soldée par un échec cuisant. Face à ce manque d’enthousiasme de la jeunesse, les organisateurs auraient eu recours à des mesures désespérées, allant jusqu’à recruter des enfants âgés de 5 à 15 ans dans les rues. Plus alarmant encore, Koné dénonce le ciblage d’écoliers du primaire et de la maternelle, alléchés par des gadgets, des t-shirts et une somme modique de 500 F CFA, après une promesse initiale de 5 000 F CFA par jeune. Cette description accablante peint un tableau de manipulation cynique, exploitant la vulnérabilité et la naïveté des plus jeunes.

La dénonciation de Koné est claire : «Les jeux de dupes qui ont fonctionné par le passé ne sont plus efficaces aujourd’hui. La jeunesse de l’Extrême-Nord a les yeux fixés sur l’avenir du pays et refuse de se laisser manipuler éternellement.» Ces mots traduisent une prise de conscience grandissante au sein de la jeunesse camerounaise, qui aspire à une politique basée sur la substance et le respect, loin des manœuvres démagogiques.

Si le droit de manifester et d’organiser des marches de soutien constitue un pilier fondamental de tout système démocratique qui se respecte, l’essence même de la démocratie réside également dans la protection du droit à la contradiction et à l’expression d’opinions divergentes. Dans ce contexte, la décision des autorités administratives d’interdire une contre-manifestation, justifiée une fois de plus par la vague excuse de « menace grave de trouble à l’ordre public», vient obscurcir davantage un tableau déjà profondément préoccupant. Une démocratie saine se nourrit du débat et de la confrontation pacifique des idées, et la suppression systématique des voix discordantes fragilise inévitablement le tissu démocratique.

Cependant, le nœud gordien de cette affaire, l’aspect le plus profondément choquant, demeure l’utilisation d’enfants en bas âge comme acteurs centraux de cette démonstration politique. Brandissant des pancartes et scandant des slogans dont la signification leur échappe inévitablement, ces jeunes innocents ont été réduits au rôle d’instruments de propagande. La question dépasse ici les clivages partisans pour s’ancrer dans les fondements de la légalité et de la morale. L’article 3 de la Convention relative aux droits de l’enfant stipule clairement que «l’intérêt supérieur de l’enfant doit être une considération primordiale dans toutes les décisions concernant les enfants». Comment cette mobilisation, qui instrumentalise leur innocence et les expose potentiellement à des risques, peut-elle être considérée comme étant dans leur intérêt supérieur ?

Au-delà des impératifs légaux, un profond sursaut de conscience collective s’impose. Comment une société peut-elle tolérer que l’enfance, cette période sacrée de développement et d’éveil, soit réduite à un simple outil de communication politique ? Ces enfants, dont la vulnérabilité et la malléabilité sont intrinsèques à leur jeune âge, comprennent-ils réellement les enjeux de cette marche ? Saisissent-ils le sens des messages qu’ils véhiculent ? Sont-ils en âge de le faire ? Leur présence dans cette manifestation soulève des questions fondamentales sur leur droit à l’éducation, à la protection et à un développement sain et harmonieux. L’article 28 de la Convention relative aux droits de l’enfant reconnaît le droit de l’enfant à l’éducation, un droit potentiellement compromis lorsque les enfants sont détournés de leurs activités scolaires pour participer à des événements politiques.

L’histoire politique africaine porte les stigmates d’une implication juvénile parfois motivée par un suivisme aveugle ou, plus alarmant encore, par une manipulation orchestrée. C’est précisément cette dernière éventualité qui suscite une indignation légitime et profonde. L’instrumentalisation d’enfants à des fins politiques constitue une violation flagrante de leurs droits fondamentaux, une atteinte inacceptable à leur dignité humaine et une tache indélébile sur le tissu démocratique camerounais. Cette pratique contrevient non seulement aux principes éthiques les plus élémentaires, mais pourrait également engager la responsabilité des organisateurs au regard des lois nationales et des conventions internationales protégeant les enfants contre toute forme d’exploitation.

La réaction ferme et unie de la société civile camerounaise, des organisations de défense des droits de l’enfant et des médias est désormais impérative. Il est crucial de dénoncer avec véhémence ces pratiques honteuses et d’exiger des comptes. La construction d’une démocratie véritable et pérenne au Cameroun ne saurait se faire au prix de l’innocence bafouée. Le bien-être et les droits de chaque enfant doivent être placés au centre des préoccupations nationales, loin des manœuvres politiques et des stratégies de mobilisation moralement condamnables. La lettre poignante de jeunes leaders de l’Extrême-Nord refusant d’être «vendus» pour soutenir une candidature témoigne d’une prise de conscience salutaire et d’une volonté de bâtir un avenir basé sur le respect et la dignité, loin de toute forme d’instrumentalisation. Il est temps que cette voix soit entendue et que des actions concrètes soient entreprises pour protéger l’enfance camerounaise et assainir le débat démocratique.

 

GAËL TSALA NKOLO

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