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Hanan Ouazan : « Nous allons vers un monde de supervision de l’intelligence artificielle »

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En trois ans, l’IA a déjà bouleversé les usages des salariés, et le monde du travail en général. Une évolution irrésistible : ce dernier se doit de saisir cette révolution à bras-le-corps. C’est en tout cas la conclusion de l’étude Le futur du travail, réalisée par Artefact et Odoxa. Entretien avec Hanan Ouazan, associé au cabinet de conseil Artefact.

 RFI : ChatGPT, apparu en novembre 2022, préfigurait une vague technique incontrôlable, une véritable révolution, qui amène à ce sommet de l’IA en France. Expliquez-nous pourquoi il est important de comprendre ce qu’il s’est passé précisément à l’époque ?

 Hanan Ouazan : L’arrivée de ChatGPT pour le grand public a été, selon moi, non pas une révolution technologique au niveau de l’IA, mais une révolution dans les usages en donnant à M. et Mme Tout-le-Monde la possibilité d’interagir avec des IA de pointe.

Il est amusant de constater que le premier à avoir dégainé sur « le grand public » une solution à base d’IA générative, ça a été OpenAI, là où Google a initié les premiers travaux de recherche. Cela montre aussi, et c’est ce qu’on constate dans l’actualité, que pour une entreprise comme Google, il a été compliqué d’être le premier à innover, car ça pouvait fragiliser son positionnement en tant que moteur de recherche. Quand on est premier, se réinventer c’est quelque part mettre aussi à risque son modèle économique actuel. OpenAI a été un grand coup de pied dans la fourmilière IA.

 Et après cette arrivée, plus rien n’a été comme avant ?

Depuis, évidemment, les choses ont évolué, Google s’est très rapidement positionné, OpenAI a réalisé son développement avec Microsoft, et d’autres acteurs ont émergé comme Anthropic, Mistral… Les modèles ont évolué doucement.

Et on a vu une deuxième vague où les entreprises ont commencé à intégrer cette technologie plus en profondeur. D’ailleurs, l’IA, on la nomme générative, parce que cette IA génère de nouveaux contenus. Là où l’IA traditionnelle a toujours travaillé sur le contenu actuel, l’IA générative permet de créer quelque chose qui n’existait pas avant. Je ne vais pas débattre sur les processus créatifs, mais toutes les modalités de communication – texte, image, vidéo et son – ont été affectées par cette IA générative.

 Mais tout le monde n’utilise pas encore l’IA. Cela risque bien évidemment de changer, quelle importance va-t-elle prendre dans nos vies, dans notre travail ?

Il faut être conscient que cette arrivée est une des plus importantes dans le monde de l’entreprise. L’IA va avoir un impact sur notre manière de travailler, et sur le sens même du travail en entreprise.

Nous allons vers un monde de supervision de l’IA. De la même manière que pendant la révolution industrielle, il a fallu créer le métier de contremaître, il y a aujourd’hui un besoin de supervision de l’IA, qui devrait croître avec le nombre d’agents IA et diminuer avec la confiance et l’autonomie qui sera placée dans ces agents. Seuls 52% des utilisateurs de l’IA ont été formés à son usage, et parmi eux, 47% estiment que cette formation reste insuffisante.

 Un usage qui se démocratise

Selon l’étude Artefact et Odoxa : « Parmi les utilisateurs actuels, 83% se servent de l’IA au moins une fois par semaine, et 44% quotidiennement. Les utilisateurs de l’IA économisent jusqu’à 57 minutes par jour en moyenne et 83% d’entre eux trouvent leur travail plus simple et agréable. L’IA va stimuler l’innovation et démocratiser l’accès à de nombreux services innovants, facilitant la création d’entreprises et d’emplois. 69% des utilisateurs de l’IA estiment avoir un meilleur accès à l’information. » Il est à noter également que selon l’étude : « 49% des salariés constatent que l’IA a nécessité la création de nouveaux postes. Et que l’IA favorise la collaboration plutôt que l’isolement : 58% des travailleurs se sentent moins isolés et 33% des travailleurs utilisent leur temps libéré par l’IA pour échanger davantage avec leurs collègues. »

 Car une inquiétude demeure vis-à-vis de l’IA, celle de voir des données partir à l’étranger. L’inquiétude de perdre son emploi…

 Il y a plusieurs inquiétudes qui sont légitimes et qu’on peut éliminer. C’est clair qu’il y a des métiers qui vont évoluer. Je pense que c’est une réalité du marché, mais ça a toujours été le cas dans toutes les révolutions technologiques. Quand Excel n’existait pas, beaucoup de personnes devaient compter à la main avec des calculatrices pour faire la comptabilité. Excel a bouleversé la manière de faire la comptabilité. Aujourd’hui, vous scannez vos différents éléments et ça vous remplit automatiquement les éléments comptables.

Donc, oui les technologies évoluent, par contre, la réalité est que le marché continue d’augmenter. Il n’y aura donc peut-être besoin que de trois comptables par entreprise, mais il y aura peut-être 10 fois plus d’entreprises.

La [question de la] souveraineté des données existe depuis des années. C’est amusant de se réveiller aujourd’hui, car on utilise les API de chez Google depuis maintenant 10 ans. Ce problème existait avant. Il faut remettre les pendules à l’heure sur ce point.

Ce qui est plus intéressant, plus important et plus philosophique, c’est que quand vous utilisez un modèle américain, un modèle chinois ou un modèle européen, il va être entraîné avec des données européennes, chinoises ou américaines, il va être soumis à la subjectivité de l’acteur qui l’a construit. Donc il y a potentiellement l’enjeu que ces modèles-là, demain, deviennent des sources de vérité pour les utilisateurs chinois, américains ou européens. Il faut se dire qu’il y a quelque part, une guerre politique. Il ne faut pas être naïf, en tant qu’individus, gardons notre esprit critique, et ne prenons pas l’IA pour ce qu’elle n’est pas.

 

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